Les baraques de l’ancien chemin Galiffe à Genève

Baraques de l'ancien chemin Galiffe à Genève

Témoins du passé ouvrier et de la solidarité à Genève.

Les baraques en bois qui longent cette ruelle située au bord des voies ferrées furent construites au début des années 50 pour loger les ouvriers saisonniers venus travailler en Suisse dans la construction de bâtiments, routes et chaussées. Les autorités genevoises confièrent la gestion de ces abris de fortune à l’Armée du Salut.

À la fin des années 50 et début des années 60, l’État mit en place de nouvelles dispositions d’urgence pour faire face à la forte augmentation du nombre de travailleurs saisonniers et répondre à leurs besoins d’hébergement.

Dans un premier temps, on installa des centaines de lits dans des lieux tels que l’ancienne caserne de Plainpalais et la grande salle du Palais des expositions qui se trouvait à l’avenue du Mail. En parallèle, on construisit de nouveaux ensembles de baraques provisoires aux Acacias, à Cointrin, au Lignon et à Meyrin, afin d’héberger plusieurs centaines d’ouvriers immigrés.

Sur le modèle de l’expérience menée avec les baraquements du chemin Galiffe, l’État confia la gestion de ces logements d’urgence à trois œuvres d’entraide : l’Armée du Salut, Caritas et le Centre social protestant.

 

Nouvel usage des baraques

Les conditions d’hygiène et de promiscuité dans ces abris de fortune rendaient la vie extrêmement difficile et précaire. Par conséquent, dans les années 60, les habitants des baraques et les syndicats de travailleurs organisèrent des mouvements de protestation. Comme résultat, à partir de 1970, les autorités genevoises remplacèrent ces logements, symboles de précarité économique, par des foyers plus acceptables.

C’est ainsi que le centre des Tattes fut construit en 1987 à Vernier, en collaboration avec les milieux patronaux et syndicaux. Avec la raréfaction des saisonniers, ce centre fut reconverti en lieu d’accueil des requérants d’asile.

Quant aux anciennes baraques de saisonniers, l’État les convertit à différents effets. Celles du chemin Galiffe ont gardé leur vocation initiale puisqu’elles sont devenues des espaces d’action sociale essentiellement dédiés à la lutte contre la précarité, l’isolement et le sans-abrisme.

 

L’antichambre des laissés-pour-compte

L’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss a qualifié le chemin Galiffe d’antichambre inofficielle des déshérités et des laissés-pour-compte, le 19 octobre 2017, en introduction de la journée Portes Ouvertes de ce lieu emblématique de Genève. Et pour cause ! Après avoir logé des dizaines de travailleurs immigrés, le chemin Galiffe a hébergé six associations qui apportent leur soutien aux personnes vulnérables et vivant en situation de grande précarité.

 

Les associations du chemin Galiffe

  • Armée du salut :
    L’Accueil de nuit de l’Armée du Salut occupait une baraque. Il offrait un hébergement d’urgence pour personnes sans-abri, ouvert 365 jours par année, 24 heures sur 24 et garantissait un accompagnement socio-sanitaire pour toutes les personnes accueillies qui le souhaitaient.
  • Centre social protestant :
    Une baraque abritait l’Atelier Galiffe, un centre de jour à bas seuil ouvert à toute personne fragilisées, isolées et à la recherche de liens sociaux ou d’activités créatives.
  • Café Cornavin :
    Une camionnette de l’association Café Cornavin s’installe de manière hebdomadaire sur l’ancien chemin Galiffe pour distribuer aux personnes dans le besoin de quoi se nourrir et se vêtir.
  • Le Terreau :
    Cette association dont l’objectif est de faire vivre le périmètre de Saint-Gervais, Seujet et Voltaire et de créer du lien social entre les habitants avait ses bureaux au chemin Galiffe.
  • ATD Quart Monde :
    Cette association ayant pour mission de construire un monde sans misère et sans exclusion sociale a ses bureaux dans une maison en dur se situant au chemin Galiffe.
  • Femmes à bord :
    Une des baraque constitue un espace de partage, d’échange et de socialisation pour femmes en situation de précarité et sans-abrisme.

 

Les associations contraintes à déménager

Le chemin Galiffe, se trouve dans le périmètre du futur chantier d’extension souterraine de la gare Cornavin, troisième gare de Suisse en termes d’affluence. Ce projet sera mené en interface avec le renouvellement de la voie ferrée et la modernisation des gares entre La Plaine et Vernier.

Le début des travaux était initialement prévu en 2024 et, bien que finalement reporté à l’années suivante, les associations hébergées dans les baraques du chemin Galiffe se sont vues contraintes de déménager.

Le 25 octobre 2021, l’Armée du salut a rendu les clés. Une semaine plus tard, le service d’Accueil de nuit emménageait au Passage, nouveau bâtiment construit à cet effet en plein cœur de Genève, à la rue du Valais.

En janvier 2023, c’est l’Atelier Galiffe du CSP qui déménage, à contrecœur, pour des locaux plus modernes, au 1 rue de la Coulouvrenière. L’association Le Terreau a également déménagé pour s’installer au 32 quai du Seujet.

En 2024, seule l’un des pavillons en bois garde sa vocation initiale puisqu’il héberge Femmes à bord, une association dont la mission est d’accueillir, d’aider et d’accompagner les femmes en situation de grande précarité.

 

Changement de nom du chemin Galiffe

Le chemin Galiffe devient le chemin Annie-JiaggeEn 2023, dans le cadre du projet de féminisation des noms de rue de Genève « 100 Elles* » et la motion intitulée « Pour une reconnaissance dans l’espace public du rôle joué par les femmes dans l’histoire genevoise » présentée au Conseil fédéral, le Chemin Galiffe a été officiellement rebaptisé Chemin Annie-Jiagge.

Cette dénomination honore Madame Annie Jiagge (1918-1996), magistrate, avocate et juge d’origine togolaise qui a longuement milité pour les droits des femmes et a participé à la rédaction de la première version de la Déclaration pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

En parallèle de ses activités au sein de l’ONU, Annie Jiagge a joué un rôle fondamental au sein du Conseil œcuménique des Églises, dont le siège est à Genève. Elle en est devenue la première présidente africaine en 1975.

 

Le projet 100 Elles* : féminisation des noms de rues à Genève

Ce projet part du constat qu’en 2019 dans le Canton de Genève, 549 rues portaient des noms d’hommes et 43 des noms de femmes.

Les critères pour donner le nom de quelqu’un à une rue sont pourtant, à priori, non-genrés. Il doit s’agir de personnes décédées depuis plus de dix ans et ayant marqué de manière pérenne l’histoire de Genève.

C’est pour redonner une plus grande visibilité et une place plus égalitaire aux femmes dans l’histoire et dans les espaces publics que l’association féministe L’Escuade a réalisé une sélection de 100 femmes* remplissant les critères officiels pour obtenir une rue à leur nom. C’est ainsi qu’a vu le jour le projet 100 Elles*.

En 2019, des plaques alternatives ont été apposées dans différents quartiers. Depuis, les autorités en ont officialisé certaines dans le cadre du processus de féminisation de la nomenclature genevoise entamé par la Ville et le Canton en 2020.

 

Rédigé par Sarah Gamblin dans le cadre du module « référencement » dispensé par Florian Bessonnat, pour la formation DAS Communication Digitale, Expertise Web et Réseaux Sociaux (2023-2024) de l’Université de Genève.

 

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